ÉDUCATEUR
RÉMINISCENCES
ET
INTROSPECTION
DE 1974 À 2017, FRANÇOIS RUIZ A ÉTÉ
ÉDUCATEUR, CHEF DE SERVICE PUIS
DIRECTEUR. Il n'a jamais ressenti de
vocation, mais, lorsqu'à 19 ans il a su qu'il
pouvait être rémunéré pour aider les autres, il
n'a pas hésité à se lancer. D'abord, comme
élève éducateur dans une maison d'enfants.
Durant ses années de formation, il avoue ne
pas avoir appris grand-chose, les théories sur
la parentalité n'étant guère sa tasse de thé. En
revanche, il adore le terrain. Au fil des pages,
il livre des bribes d'histoires vécues, rapporte
des situations improbables, brosse des portraits
d'enfants ou d'adolescents placés en
internat, relate les pipis au lit, l'argent de
poche dérobé, les vols de matériel, les abus
sexuels. Il interroge aussi l'institution, le statu
quo, la lâcheté. Comme cette fois où,
nouveau dans un établissement, il s'aperçoit
que, chaque nuit, un mineur en attire un autre
dans sa chambre. Il signale l'événement.
Silence, jusqu'au moment où, lors d'une
réunion, ses collègues déclarent connaître
le problème mais ne pas oser s'y attaquer tant
le jeune prédateur peut se montrer violent.
"Comment pouvaient-ils dormir
tranquilles ?", se demandent-il encore. De
manière très concrète, l'éducateur aborde les
sanctions, la violence, la vie de groupe, le travail
d'équipe, les relations avec les parents. Des
familles souvent pauvres financièrement, culturellement
et socialement, dans l'incapacité de fournir
un cadre et des limites cohérentes à leurs
enfants. Il ne comprend pas toujours pourquoi,
une fois majeurs, certains d'entre eux veulent rentrer
chez eux alors qu'ils pourraient rester dans
"le foyer qui les a coucounés" jusque-là.
D'autres, après être partis, reviennent parce que
c'est trop dur ailleurs. Comme Marc, à qui le foyer
avait trouvé un travail et un logement. Faut-il le
réaccueillir, alors que sa prise en charge est terminée
? L'équipe est partagée, culpabilisée, mais
tranche : c'est non. Un voyage au coeur des pratiques
éducatives et de soi-même pour tenter de
donner une place à l'autre.
BRIGITTE BÈGUE
ASH, septembre 2021