Dominique Ottavi, d'Ajaccio à Pékin
Jeudi 14 Mars 2019
Pierre Barbancey
Beijing 2018 Dominique Ottavi TAC-Motifs des régions, 84 pages, 14 euros
Invité en Chine par l'académie littéraire Lu-Xun de l'université de Pékin dans le cadre du deuxième programme international d'écrivains en résidence, Dominique Ottavi, poète et troubadour, a laissé sa Corse natale pendant deux longs mois. Il est revenu avec un ouvrage sobrement intitulé Beijing 2018. Un recueil tout en prose poétique où il se livre avec pudeur. " Je m'accroche aux branches des sous-bois de la chance, j'éructe les mots de mon ventre qui me fabriquent en m'énonçant (…)", écrit-il, lui qui avait " les moufles en loques et la joie en paquets ". Qu'on ne s'y trompe pas ! Ottavi n'est pas un poète précieux qui se complairait dans le mot : " À Beijing j'ai laissé filer mes lunettes dans le trou des chiottes à la turque. J'y ai mis la main, impossible de les rattraper. " Parce que l'existence c'est aussi cela. L'homme ne cesse de la mettre en musique et en paroles, en couleurs et en sentiments, pour retrouver l'enfant sous la gangue de l'adulte, " débarrasser de tout le surplus que le jeu de vivre y a mis ".
Cetara, viulini, voce: l'Aranzata de Dumè Ottavi et Bernard Pazzoni
Jeudi 8 Août 2019
Pierre Barbancey
Les deux artistes réinvestissent la tradition musicale de l'île et l'utilise comme base de nouveaux phrasés mélodieux et envoutants. Ils sont en concert à San Benedetto (Corse du Sud), le 9 août
C'est une rencontre pas si improbable que ça, finalement! Bernard Pazzoni est conservateur en chef de la phonothèque de Corse, où il gère le fonds d'enregistrements faits dans les années 50/60 dans les villages de l'île par notamment Felix Quilici. Un fond d'importance sur lequel, aujourd'hui, repose la musique corse réellement traditionnelle et que Pazzoni a contribué à enrichir grâce à sa captation des musiques de Felice Antone Guelfucci de Sermanu ou le style violonistique de Natali Pinelli de Pastricciola. Son chemin ne pouvait que croiser celui de Dumè Ottavi, poète, chanteur et musicien dont le nom donne déjà les origines. Ils se rencontrent pour la première fois en mars 2018. Pazzoni demande à Ottavio de de l'accompagner à la cetara (cistre corse traditionnel) à un festival de violon dans le Morvan. L'expérience est concluante. L'idée germe alors de monter un duo. Ce sera Avanzata.
Dumè Ottavi, homme de la parole nomade, des voix multiples, parti écrire en Chine puis revenu dans son île natale, auteur de dizaines d'ouvrages littéraires et d'albums musicaux composés par ses soins, parle ainsi de d'Avanzata: "Au cœur de la Méditerranée, déclinaison corse, mais pas que… le son de la mer sous la lune pleine, l'écho des rocs à la brûlure du soleil. La droiture, la rigueur, la fierté des peuples majeurs de ce pays immense, territoire de la philosophie, de la poésie, de la beauté. Des danses à n'en plus finir, des méditations musicales à fleur de peau, fleur de joie d'être au monde, bien vivant, ce monde si beau où tout ce qui fait l'humain est donné de source, d'origine. Avanzata, ça coule de source, c'est la tempête irrépressible des démons de la mer, farouches, qui donnent le sens, c'est la joie du soir quand les luttes se sont tues et que la tendresse règne. C'est l'avant-garde des peuples cheminant obstinément la nuit pour mieux déboucher en plein soleil sur les plaines fertiles. Regardez, écoutez : ils montent impassibles de la mer, leurs chants aux lèvres, leur musique pleine que n'affecte nulle fièvre, juste la certitude d'être justes, à la bonne, rigoureuse place. Avanzata, avant-garde d'une tradition sans cesse reproposée - fleur de peau, fleur de cœur, de poésie, avançant sans coup férir ! Avanzata, c'est s'attendre à la folie, s'y préparer, même si l'on sait bien qu'elle ne vient jamais et on la guette toujours, lui fait des avances, lui lance des invites… Ça fait un équilibre qui nous plaît bien, incertain et brillant entre le jour et la nuit, la mort et la vie, il suffit de danser au fond de ce puits sans fin, jusqu'à la lumière. Avanzata !"
Les deux artistes seront à San Benedetto, vendredi soir, pour un spectacle qui mêlera chant, musique et danse, comme ont sait encore si bien le faire dans ces villages de Corse. Au violon et à la cetera, ils vont réinvestir la tradition musicale et l'utiliser comme base de nouveaux phrasés mélodieux et envoutants. Des volutes de notes dans un ciel ouvert et à l'écoute de ce qui fait le monde. Comme le dit Dumè Ottavio: "En Corse le proverbe dit : " s'accumudà cum'a cetara è viulinu… " qui est l'équivalent du français : s'entendre comme cul et chemise. C'est vrai que musicalement, ça le fait, et bien !"
"Avanzata", un duo formé de Dominique Ottavi et de Bernard Pazzoni. Accueilli dans le merveilleux site de San Benedetto (Corse du sud) par les associations "sportive et culturelle de San Benedetto" et "San Be Culture Club". Vendredi 9 août, à 21h. Entrée 10€
corse
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